jeudi 7 février 2013

Aimer, c'est regarder ensemble le même écran d'ordinateur

Petit, ma vision de l’amour était, disons, mathématique, voire probabiliste.
On m’avait expliqué que l’amour, c’est quand deux personnes - uniques - se rencontrent, se correspondent et s’unissent.
Dès lors je m’étais figuré l’amour comme une forme de combinaison mathématique, la rencontre de deux pièces uniques de puzzle. Pas des puzzles à la Disney, non, plutôt le genre La Joconde en dix mille pièces. Vous voyez le niveau.
Je m’interrogeais alors : comment dans l’infini de ce monde, deux personnes, dont chacune disposait d’un code unique, pouvaient se retrouver pour faire concorder leurs codes? La probabilité que ces deux personnes se rencontrent me semblait infime.
Bizarrement, cette conception cohabitait tout à fait – le côté « unique » certainement – avec une certaine vision de l’amour, faite de bouquets de roses ; de gouttes de cire séchée d’une bougie fondue sur une nappe à carreaux ; de la Belle et le Clochard, partageant un plat de spaghettis fumantes à table d’un petit resto italien ; de généreuses vaporisations d’Axe – laissez le charme agir – sur un torse d’homme.
Mais toujours, une question revenait dont je craignais de connaitre la réponse : quelle est la probabilité pour que deux chiens se retrouvent assis à la table d’un resto italien, dont le chef leur servirait une assiette de spaghettis fumantes ? Vous me voyez venir ?
Aucune.
Mais c’était sans compter sur un futur novateur et progressiste, un monde quasi GATTA-esque, l’eugénisme en moins, un endroit où ces angoisses de la rencontres seraient annihilées par la puissance de la machine : Meetic !
Ici, pas d’inquiétude. La rencontre arrivera. Si elle n’arrive pas, c’est que vous –ou l’autre – avez mal rempli les formulaires. Parce nous sommes tous uniques, Meetic nous aide aujourd’hui à trouver l’autre unique. Il nous aide à convertir nos attentes en données électroniques, en codes, qui se complètent et se rencontrent harmonieusement dans une parfaie félicité électro-nique. Zéro inquiétude, zéro risque. Les plus angoissés d'entre nous pourront toujours mettre un préservatif à leur souris.
Il suffit de passer commande et d'attendre la livraison. A chacun ses goûts. Italienne ou américaine. Orientale ou quatre fromages. Même au thon pour ceux qui aiment ça. Et pour les gourmands, toujours des offres deux pour le prix d'une à dénicher.

Alors bien sûr, les agences matrimoniales, ce n’est pas nouveau : Comment voyez-vous la femme idéale ? Quels sont vos auteurs favoris ? Est-ce que tu baises !?! Qu’est-ce que vous emporteriez sur une île déserte ? Tous ces questionnaires qu’il fallait remplir sur des petites fiches bristol, rien de bien neuf.
Mais la force de l’internet, ce sont ses algorithmes, ses modélisations, ses moteur de recherche. Et là – joie – je peux envisager une réponse à mes questions d’être unique.
Et alors fini les spaghettis fumantes ? Terminé les roses pakistano-romantiques au resto, flétries avant l’addition ?
Je ne sais pas. Peut-être. Mais ce n’est pas bien grave, au pire il doit y avoir des applis sur Itunes pour ça.
Ce qui m’inquiète en revanche un peu plus, c’est de savoir si à force d’être unique et de vouloir trouver notre unique, est-ce qu’on ne serait pas finalement devenu tous pareils: alone together?
Je n'ai pas encore la réponse, mais d'ici là, je continue d'écouter Chet Baker.



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