mercredi 20 février 2013

Le petit noir maltraité, ou quand le café se fait latté

Pour la plupart d’entre nous, le café c’est un produit à part.

Le café, c’est plus qu’une simple boisson, c’est un quelque chose qui accompagne de nombreux moments de notre vie, tantôt pour les souligner, tantôt pour les atténuer.

On se réveille avec un café, on travaille avec un café, on discute avec un café. On drague même avec un café.

Le café prend une place telle, que le produit a donné son nom à l’endroit où on le boit. On va au café, pour boire du café. Vous préférez une bière ou un thé? Pas grave, vous irez quand même au café.

Jusqu’à présent, ce café, c’était un endroit un peu miteux, avec du sucre sur le comptoir qui colle aux coudes ; avec des œufs durs posés sur le zinc depuis si longtemps, qu'on se demandait parfois si des poussins n’allaient pas en sortir; avec un barman patibulaire, aimable comme une porte de prison, qui frottait des verres désespérément sales. Un bout de France, quoi !



Mais tout ça a changé, les coffee shops s’ouvrent, attirés par le chant des sirènes du business, telles celle figurant sur le logo de la chaîne américaine, Starbucks.

La première fois que j’y suis rentré, j’avoue avoir été franchement décontenancé.
 
Au comptoir, un type me reçoit, jeune et cool. Vraiment très cool. Sans son tablier, c’était Justin Bieber. A l’époque je n’étais moi-même pas bien vieux certes, mais, ô surprise, le type très cool me tutoie d’emblée. Pas grave, je suis tellement cool que je fais semblant de l’être.

Vient le moment de choisir le café. Surtout ne pas dire : « Un café, s’il te plait! », parce que ton capital coolitude, se dissout instantanément dans ton ignorance du monde du café. Malgré le tutoiement.

Moka frapuccino. Moka iced latté. Décaf choco cappuccino. Je n’y comprenais tellement rien, que je me souviens avoir intérieurement béni mon resto chinois, qui lui prend la peine de mettre des photos des plats sur la carte. C’est certes dégueulasse, mais on moins je le sais au premier coup d’œil.

J’ai choisi un café au hasard, en espérant que ce soit plus rapide à préparer qu’à prononcer. Et voilà que mon décaf-iced-mocaccino-latté arrive, servi dans un énorme gobelet, à la limite de la carafe. Genre maxi best of. Il m’a fallu deux heures pour le boire. Si j'avais été prévenu, je n’y serais pas allé pendant ma pause déjeuner. J’aurais certainement pris un RTT.

Peut-être même aurais-je pris un sédatif, parce, Cher Lecteur, au moment où Justin m'a annoncé le prix de mon maxi best of - les frites et le burger en moins - j'ai vraiment compris pourquoi le café ça peut énerver! Vous rendez-vous compte ? Plus de 5 euros un café ! Jusqu’à présent, avec 4 euros, j’avais deux cafés. De quoi inviter quelqu’un, pour dragouiller gentiment. Mais 5 euros pour un seul café, ça fait cher l’onanisme !

Et pourtant, le constat est là, on y retourne, encore et toujours. Mais alors pourquoi? Pourquoi vouloir retourner dans un endroit où le client se fait aussi latter que le café? Comment ces gens réussissent-ils à nous le faire acheter à ce prix ?

Très simple.

Chez Starbucks, on te fait comprendre qu’on t’offre plus qu’un café. C’est tout un état d’esprit. Il y a les canapés, le wifi. On peut rester tant qu’on veut. On peut même enlever ses chaussures si on le souhaite. On bouquine, on facebooke. On coucoune, on coquine. Le concept en fait consiste à sortir de chez soi, pour aller dans un endroit où on fait comme chez soi.

Mais en payant.

Et mieux ! On peut aussi acheter son café à emporter. On sort de chez soi pour aller dans un endroit où on peut faire comme chez soi. Mais une fois arrivé, on fait demi-tour pour rentrer chez soi avec son café. Parce qu’après tout, ce qu’on est bien chez soi !

Mais en payant le même prix. Donc plus cher.

Est-ce encore du café ? Je l’ignore. Je note simplement que ces endroits ne s’appellent plus « café », quand bien même on y sert presque que ça.

Le café cool à l’américaine, et le café français coule. Le problème est insoluble.

La prochaine fois je vous parlerai des suisses. Pas aussi cool, mais tout aussi fort. Mais aussi de français, de vrais crèmes.

To be continued.

2 commentaires:

  1. Cher Monsieur LE Barbe, on attend avec impatience la suite sur les suisses. Tirerez-vous à boulet rouge sur leurs chocolats (incontestablement moins bons que les français -- objectivement les meilleurs au monde...très objectivement, bien sûr) ou sur leur horlogerie? A fait, y a quoi d'autre en Suisse sinon? Des comptes numérotés, certes.

    Votre fidèle lecteur,
    DG

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  2. Cher DG,

    Patience. Les suisses viendront plus tard. Prenez un café pour patienter.

    Bien à vous

    Le Barbe

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